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Le pont de Crimée n'est-il "plus utilisé pour le transport militaire depuis longtemps" comme l’affirme Poutine ?

Publié le 18 juillet 2023 à 15h29, mis à jour le 19 juillet 2023 à 10h38

Source : TF1 Info

Selon le président russe, l’attaque ayant visé le pont de Crimée, lundi 17 juillet, ciblait des civils.
Vladimir Poutine a dénoncé une "attaque terroriste" sur un pont qui "n'a pas été utilisé pour le transport militaire depuis longtemps".
En réalité, l’infrastructure est essentielle dans la stratégie militaire russe.

En représailles de l’attaque du pont de Crimée, la Russie a mené ce 18 juillet une série de frappes sur des infrastructures d’Odessa, en Ukraine. La veille, le pont qui enjambe le détroit de Kertch a été partiellement endommagé dans une attaque revendiquée par Kiev, menée a priori par des drones. Le soir même, Vladimir Poutine a dénoncé une "attaque terroriste" ainsi qu’un "crime insensé (…) puisque le pont de Crimée n'a pas été utilisé pour le transport militaire depuis longtemps". Par ces mots, le président russe cherche à minimiser le rôle militaire joué par cette infrastructure, qui relie la péninsule annexée au continent russe. À l’inverse, les Ukrainiens affirment qu’il s’agit là d’une cible légitime militaire. Éléments de réponse.

Une voie de communication majeure

Dans sa note du 17 juillet, l’Institut pour l'étude de la guerre (ISW) estime lui aussi que "le pont du détroit de Kertch et les zones militaires de la Crimée occupée sont des cibles militaires légitimes pour les forces ukrainiennes dans leur défense contre l'invasion et l'occupation russe à grande échelle de l'Ukraine". Ce pont, inauguré en 2018 par Vladimir Poutine en personne, relie donc la péninsule illégalement annexée à la région russe de Krasdonar. Par sa situation géographique, il est hautement stratégique pour Moscou, aussi bien en temps de paix qu’en temps de guerre. Comme le souligne Michel Goya, militaire et historien français, "le transport militaire est très dépendant de la voie ferrée. Or, il n’y en a que deux pour alimenter le front sud dans la zone des provinces de Kherson, Zaporijia et Donetsk ouest. L’une de ces deux voies ferrées passe par le pont de Kertch. Elle est indispensable. La route l’est beaucoup moins". 

Le pont se trouve être une voie majeure pour faire circuler les marchandises et les affréter aux populations civiles de Crimée et des régions occupées d’Ukraine. L’autre axe ferré dévale, lui, la côte de la mer d’Azov, depuis la région russe de Rostov. Mais l'infrastructure est aussi un appui logistique militaire pour acheminer du matériel et des renforts de Russie vers l’Ukraine, spécifiquement dans les régions de Kherson et de Zaporijia où les combats se poursuivent. 

Pas de violation du droit international ?

"La liaison ferroviaire qui passe par le pont de Kertch est tout aussi importante pour la Russie, afin de soutenir le front sud et maintenir l'approvisionnement de la Crimée", a noté l’agence de recherche de la défense nationale suédoise au moment de la première attaque du pont, le 8 octobre 2022. À cette époque, l’explosion semblait avoir "interrompu pendant une courte période le transport ferroviaire russe à destination et en provenance de la péninsule". 

À cette époque, l’agence suédoise avait estimé que le pont faisait bien partie intégrante de la stratégie militaire russe. Tout comme le Lieber Institute, espace de recherche d’une école militaire américaine, pour qui l’attaque d’octobre ne constituait pas une violation du droit international humanitaire. "Le pont était un objectif militaire, car les forces armées russes l'utilisaient régulièrement à des fins militaires", selon le rapport paru à cette occasion.

Quelques mois avant, l’armée ukrainienne en faisait d'ailleurs une cible de premier plan dans sa guerre contre l’envahisseur russe. "Nous devrions, pour ainsi dire, simplement couper l'intestin principal de la mobilisation des réserves. Dès que cet intestin sera coupé, ils commenceront à paniquer", expliquait alors le général divisionnaire Dmitry Marchenko, cité par le journal Odessa. C’est aussi le cas des autres ponts où passent des voies ferroviaires. De la même manière, une autre structure a été touchée par une frappe en juin dernier : le pont de Tchongar, constitué de deux routes parallèles reliant la Crimée à Kherson. 

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Caroline QUEVRAIN

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